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EAN : 9782246727910
272 pages
Grasset (11/01/2017)
4.25/5   22 notes
Résumé :
« Mon cher, si j’en juge par votre regard ardent, votre voix venue de loin et cette façon de vous tenir la tête droite, vous avez dû surmonter bien des épreuves. C’est ainsi que je reconnais ceux qui charrient cet insondable mystère qu’est la volonté de vivre. Et c’est en effet ici même que commence la vie heureuse, la vita beata. Tout le monde veut être heureux, n’est-ce pas, et celui qui souffre plus que tout autre ! »

S.A.

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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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♫Qu'est-ce qu'une ombre dans la nuit?
Qu'est-ce que la nuit pour la mort?
Qu'est-ce que la mort pour un homme libre?
Une âme libre en dehors de son corps
Je me demande où ça nous mène
Quand j'aime, j'y mets toute mon âme
J'ai vu le grand feu s'allumer
J'ai la flamme, j'y mets toute mon âme♫
Mon âme - Nekfeu - 2015 -

Cette part de nous-mêmes qui nous était inconnue il y a peu et que nous découvrons avec effroi et ravissement :
c'est l'âme mon enfant ....p156

Chaque mot de cette histoire est une pierre
la kippa calotte de prière
Et nous sommes chaque pierre de cette histoire
Une histoire différente
chaque fois qu'on la lit
Mogen, une Etoile , un bout de la nuit
Dis moi Céline, les années ont passé
pourquoi n'y as-tu jamais pensé ?
Au commencement, un cri là là lis !
Arrestation, Protestent à Sion
Une tête remplie d'oublis
les mots qui hier constataient
questionnent aujourd'hui
Souvenirs d'un père Majuscule
Style sans virgules
Prouesse litanique, tout bascule
Il luit le jour, lui fuit l'ennui
L'an nuit défit les jours
la nuit lui nuit
Voyage au devant de la vie...

Arfi Stéphane son premier Roman !!!!!
Histoire d'un Vif -Errant
Fourbu depuis le début
Souvenirs d'une enfance perdue....

Folie, Que Quatre et demie
j'ai moins aimé la dernière partie ;-)





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Le roman de Stéphane Arfi fait partie des premiers romans de la rentrée que j'avais repérés. le fait que ce soit un premier roman d'abord, le sujet de la Seconde Guerre mondiale surtout. Et je peux dire en refermant la dernière page qu'il m'a conquise : une fois débuté, je n'ai pas pu le lâcher.
Dès les premières lignes, l'écriture très imagée, cocasse et anticonformiste, de l'auteur m'a plu. On se surprend à sourire alors qu'il est question de rafles et du Maréchal Pétain. Mais on sourit parce que c'est touchant, innocent, la voix d'un enfant que rien encore n'a brisé. Tout est broderie, images étonnantes et vision fantaisiste du monde, et comme il est frais ce regard au milieu des ténèbres peu à peu édifiées par Hitler…
Lorsque ses parents, Ona puis Tateh, disparaissent soudainement, le petit Frank ressort de son armoire magique pour être recueilli par « Grand-mère-de-la-guerre » puis atterrir ensuite dans une pension. Ses yeux poétiques nous racontent « sa » guerre, cette guerre à laquelle il ne comprend pas grand-chose ; mutique, il remplit dans sa tête un cahier à souvenirs et écrit des lettres au Bon Dieu. C'est vraiment superbe, empli d'une imagination scintillante, lyrique jusqu'au bout des verbes, baigné d'humour et de délicatesse.
Dans ce roman, le Bon-Dieu-fâché côtoie les Frisés, on « narine » les odeurs, le silence a les yeux rouillés et on se fabrique un coeur de sable mouillé. J'ai aimé l'univers de ce petit « garçon-étoile » que l'on suit de 1939 à 1955, dans lequel chaque objet prend vie. J'ai aimé cette sensation évanescente qu'il dégageait, comme si les horreurs de la guerre ne pouvaient pas le toucher, le frôlant seulement, comme la peau d'une plume. J'ai aimé ces pages d'une extraordinaire grâce : le discours halluciné du père rentré des camps de la mort, discours que son garçon ne comprend pas, tous ces mots sans queue ni tête jetés comme des cris dont il s'éloigne, se dérobe, jusqu'à s'éclipser totalement… Ces pages-là sont d'une éblouissante et atroce beauté. Elles représentent pour moi la première déchirure dans la chair du monde blanc de Frank.
Stéphane Arfi fait sourire le lecteur pour mieux le percuter, il l'amuse pour ensuite mieux l'éblouir. Et on suit notre narrateur après la guerre, sa fuite du pensionnat, son errance fiévreuse qui le mènera jusqu'à l'hôpital puis sur un bateau nommé « Liberté »… Si j'ai été un peu moins sensible à cette dernière partie, je ressors tout de même chiffonnée par ce roman, à la fois émue et déroutée, songeuse et fragilisée. C'est un livre qui murmure, qui chantonne, qui se déguise pour mieux montrer. Une toile aux mille peaux, un air mâchonné dans une langue qui n'habite que les rêves des enfants… Dès la première page, on devient regard, rire, sensation. Je me suis sentie prise dans une sorte de conte fantasque et désaxé, suivant les pas d'un Petit Prince excentrique et irrésistible…
Merci à NetGalley et aux éditions Grasset pour m'avoir permis de découvrir ce roman envoûtant et décalé, ainsi qu'un nouvel auteur que je vais suivre de près.
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Il y a des livres étonnants, qu'on n'est pas vraiment sûr d'avoir aimé mais qui laissent tout de même une petite musique singulière. Cette "vie magnifique" est de ceux-là. Pendant ma lecture, je suis passée par différentes phases : le doute au début face au parti pris d'un langage nébuleux empreint de yiddish et de mots d'enfants puis un intérêt très marqué, une belle empathie et malheureusement une dernière partie qui m'a perdue en route.
L'auteur nous place d'emblée à hauteur d'enfant, le jeune Franck Dragon, à Paris, dans le marais en 1940... Un gamin juif dans la communauté installée dans le Marais, sous la menace de l'occupant et des lois que l'on sait. A travers ses yeux, le paysage est peuplé de personnages de contes ou de romans, jusqu'à ce que la réalité les rattrape... Rafle. Père déporté. le jeune garçon, caché dans une armoire parvient à échapper à son sort et est exfiltré vers une campagne française grâce à la solidarité de quelques voisins et une filière chargée d'évacuer les "enfants étoile".
La seconde partie relate sa vie à la campagne, dans une famille d'accueil, sa nouvelle identité, les mensonges à réciter lors des inspections allemandes dans l'école... Toujours à hauteur d'enfant, c'est à mon avis la plus réussie, terriblement poignante dans sa vérité.
Vient ensuite la fin de la guerre, le retour à Paris, les études, le retour d'un père définitivement abîmé par sa captivité dont on connaît l'inhumanité... J'avoue que cette partie m'a perdue et c'est dommage.
Mais je reconnais à ce livre une singularité bénéfique et quelques moments vraiment très bons. Pour un premier roman, ce n'est déjà pas si mal.
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« La vie magnifique de Frank Dragon ", rien que le titre est beau. La vie de Frank Dragon n'a pourtant, à priori, rien de magnifique : enfant juif, il traverse les horreurs de la seconde guerre mondiale, échappant à la déportation, caché dans une armoire puis recueilli par une vieille dame à la campagne… Je n'ai rien lu de semblable, le langage de cet enfant qui ne parle pas, son regard, exempt de tout jugement, qui questionne et nous renvoie en pleine figure notre démence. Un regard qui nous manque tant, innocent et en réalité tellement censé, un regard qui semble bien être notre ultime salut. Ce livre nous emporte dans un voyage initiatique, celui de l'enfant, devenu jeune adulte qui transcende les épreuves et la souffrance. C'est parfois éprouvant à lire parce que révoltant mais poétique et très beau. On en ressort boosté. Terminées les lamentations stériles (enfin on essaye), parce que la vie est magnifique, tout simplement. Depuis que je l'ai lu, ce livre ne me quitte pas. Il y a les livres qu'on apprécie sur l'instant, et puis il y a les autres, ceux qui nous accompagnent dans notre propre cheminement. "La vie de Frank Dragon" m'accompagnera longtemps.
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Tellement de belles choses et positives dans ce récit initiatique La vie magnifique de Frank Dragon : un style singulier, attachant, déroutant, poignant. le héros est tout de suite près de soi et ce regard d'enfant est inoubliable. C'est un fantastique jet de lumière sur sur notre histoire la moins glorieuse à travers les yeux d' un enfant qui grandit comme il peut, avec de la poésie plein les poches (les passages sur le Maréchal Pétain sont assez incroyables) et il se construit au long des épreuves les plus dures, perdu au milieu de la haine mais aussi de l'amour et de l'amitié de ceux qu'ils croisent et qui l'aident comme ils peuvent. Les personnages (comme Sauveur Léglise ou la Grand-Mère) sont tous très bien mis en scène et on voudrait presque tous les prendre dans ses bras... L'émotion est constante, toujours brute, parfois brutale mais authentique. On est dans le drame de la guerre mais tout se déroule en douceur. le questionnement sur Dieu est très présent, avec beaucoup d'humour là encore diffus. Certains passages vous serrent la gorge. Vraiment un très beau roman que celui de Stéphane Arfi.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Mon fils bien-aimé il y avait des immeubles autour de nous les képis ils nous disent c'est le vent du printemps qui souffle sur vos têtes d'étrangers sur vos têtes d'envahisseurs de sales étrangers mais je ne suis pas étranger je leur dis votre pays c'est mon beau pays ça les fait rire les traîtres ils me disent toi t'as pas vu comment tu écorches les mots tu vas travailler dans ton ancien pays ils prennent mes papiers ils prennent mon argent il faut attendre attendre quoi je te cherche toi ta mère il y a des enfants seuls des enfants dans la boue sur la paille mouillée des enfants qui tournent en rond dans la cour ils crient ils appellent toutes les nuits il fait chaud des femmes elles se jettent du quatrième étage je leur ai donné tout mon argent ils me donnent un reçu des hommes ils veulent creuser un tunnel dans les caves pour s'évader je cherche ta mère elle n'est pas là toi tu es dans l'armoire les voisines elles sont venues te trouver dans l'armoire elles ont dû te trouver derrière la planche magique il fait froid les semaines les nuits mourir ici non je préfère partir pour pitchipoï plutôt que surveillé ici par ces salopards pitchipoï ils me disent les enfants on va à pitchipoï maître c'est quoi pitchipoï la fiche mauve ils me la tendent ils me frappent va raser ta barbe aussi sinon tu pars pas les camarades ils chantent ce n'est qu'un au revoir mes frères les enfants me demandent c'est quoi pitchipoï maître je leur dis pitchipoï c'est une toute petite place où les enfants sont des rois et les adultes sont à leur service du soir au matin ils sont contents les enfants je les regarde boire dans leur boîte à sardines ils pleurent ces enfants pourquoi ils nous font ça ces traites on va à la gare le départ on s'entasse dans des trains comme du bétail comme des bêtes les seaux d'eau vides on étouffe les uns sur les autres on va faire de l'agriculture on va travailler on voit rien à travers ces wagons une maman elle se laisse mourir sa fillette elle me regarde je la prends dans mes bras l'arrivée la nuit un froid de canard les chiens aboient les coups de crosse les coups de gourdins sur nos dos sur nos têtes ils font les séparations les hommes bien portants d'un côté les femmes enfants vieux de l'autre côté nous on va travailler on va en rang par cinq la fillette elle est partie dans ces camions ils s'en vont mais où ils s'en vont nous on avance leurs chiens ils nous mordent celui qui parle un coup de gourdin celui qui regarde un boche dans les yeux un coup de crosse des cris partout des hurlements on entre dans ces écuries dans ces blocs vous êtes en quarantaine ils nous disent où tu es mon fils bien-aimé es-tu sorti de l'armoire ta maman elle est où dans le froid de canard la douche glacée les vêtements si sales les affaires d'un autre à enfiler les numéros sur le bras comme des moutons rasés rayés on marche par cinq le matin l'appel les pierres qu'on porte pour les poser là ou bien là pourquoi ces pierres on les porte on travaille comme ça trois jours comme ça dix jours les malades ils tombent celui qui les relève une balle dans sa tête un bol de soupe pour trois je ne sortirai pas de cet endroit on porte des pierres glacées j'entends de la musique le matin de la belle musique le soir comme des moutons rasés rayés on marche par cinq je vais mourir ici dans mon ancien pays on est des morceaux de bois des moins-que-rien les couvertures remplies de poux qui grouillent ce bruit ce bruit qui n'arrête pas si tu savais ce qu'ils m'ont fait mon fils bien-aimé ces ignobles ces fils de putains on se bat pour un bout de pain moisi tenir une nuit de plus il a voulu s'évader lui ils le pendent devant nous trouver mes chaussures pour l'appel retirez bonnets attention mettez casquettes les rats ils courent dans les blocs ils sont énormes ils rongent les mourants on racle les fonds des seaux de soupe avec une cuillère les fantômes du bloc ils me demandent de prier pour eux prie pour nous maître il me dit mon voisin de lit il pue mon voisin parce qu'il meurt à côté de moi pousse-toi mon voisin tu es malade retirez casquettes mettez bonnets on me désigne toi tu changes de bloc ils me disent toi tu vas à l'unité spéciale dans une usine je suis condamné ils me liquideront c'est sûr on est des morceaux de bois les camarades ils me disent tu as de la chance tu vas à l'usine c'est quoi l'unité spéciale je ne sais pas je vais dans cet endroit le matin ils me font travailler des heures des heures des heures des heures des heures ils hurlent creusez cette fosse creusez plus vite creusez cette fosse avec vos pelles pourquoi cette fosse pourquoi creusez des coups de bottes dans nos ventres des coups de matraque de nerf de bœuf de trique sur ma tête on tire des cadavres entassés dans une grange des cadavres on les porte on les traîne on les jette dans cette fosse on brûle les cadavres des dizaines des dizaines de cadavres de femmes d'hommes d'enfants de vieux dans cette fosse certains camarades ils se jettent dedans avec tous ces gens morts les camions arrivent des familles entières ils sont calmes ils sont fous de peur je travaille là c'est l'unité spéciale les camions ils arrivent tout le temps je travaille là où on brûle maintenant je leur tiens la main ils sont courageux ils hurlent de peine ils se déshabillent dans une grande salle ils savent dans leurs yeux je le vois ils vont mourir ils se déshabillent il en arrive tous les jours hommes femmes enfants ils les gazent nous on les tire on les traîne on les brûle dans les fours ça les fait rire ces fumiers de nous voir faire ça ces ordures ces bêtes cruelles ces ignobles chiens à deux pattes ces sanguinaires je fais ce travail tout le monde devient fou moi je travaille devant le four des heures des heures des heures des heures mais dieu ne me rend pas fou je prie dieu chaque soir après le travail ils me liquideront ne deviens pas fou ne pense pas ne ressens rien tu vois c'est facile je suis dans mon ancien pays il fait si chaud je prie je ne pleure pas je ne comprends pas ce que je vois je ne comprends pas ce que je fais je suis un automate les camions arrivent femmes enfants vieux jeunes bébés ils me demandent prie pour nous prie pour nous rebbe je vois que je ne meurs pas mes bras ils lèvent soulèvent tirent traînent ils jettent dans le four mes bras ils agrippent mes bras mon corps ne meurt pas le corps il ne veut pas mourir mon fils bien-aimé ton père ne meurt pas je ne pense plus rien je pense à toi à ta maman prie pour nous maître taisez-vous mes camarades je prie en silence mes yeux sont secs un cadavre ça ne me fait plus rien ils vont me liquider ils gazent on brûle tous ces gens ils se déshabillent ils sont pleins de vie dépêchez-vous il leur dit le boche en montant sur un banc n'ayez pas peur après la douche vous aurez un thé chaud si vous vous dépêchez ils en tuent des milliers des milliers des milliers femmes bébés enfants hommes jeunes vieux nourrissons fillettes garçonnets des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers des milliers femmes bébés enfants hommes jeunes vieux nourrissons fillettes garçonnets des milliers des milliers j'ai un numéro sur le bras on est l'unité spéciale on fait ce qu'on fait je suis un automate je brûle notre peuple ces âmes en fumée ces belles âmes qui me regardent de leurs yeux qui savent je connais la vérité je ne peux pas leur dire à ceux qui vont mourir sinon les boches ils me jettent vivant dans le four ils se déshabillent mes sœurs mes frères je ne te répondrai pas mon frère je ne te dirai pas que tu vas au gaz ça va aller ma sœur ne t'inquiète pas ma sœur serre tes enfant contre toi ils regardent les chiens les porcs les fils de putains ils regardent ils sont contents les camions viennent de toute la terre ils vident notre peuple de toute la terre dans ces fours tout notre peuple mon fils bien-aimé il n'y a plus de trains soudain aucun camion ils nous liquideront demain ils liquideront toute l'unité spéciale il faut se révolter ou c'est la mort c'est plus rien la mort plus rien du tout les coups de bâton plus rien les coups de gourdin de fouet sur les femmes elles saignent courage mes sœurs elles se déshabillent elles sont fières elles sont belles elles vont au gaz mes sœurs les corps un amas de corps nus dedans dehors dans les champs brûlés les cris des oies qui couvrent les cris de mes sœurs les oies elles couvrent les cris de mon peuple ces oies maudites qui crient dans la nuit je cherche ta mère je te cherche il faut nous révolter faire une action personne ne viendra nous sauver aucune reine ne viendra nous sauver il faut que je retourne là-bas chez nous dans notre beau pays je veux me venger je veux les tuer ces ignobles ces barbares ces assassins je veux venger mes frères mes sœurs tu n'as pas gardé tes cheveux longs mon fils bien-aimé c'est bien ils te les ont coupés ils sont gentils avec toi ici.
P161-162-163-164-165-166-167
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Mais si on se décide à écrire, l'amigo, on donne pas dans la carte postale, mon Dieu non, faut y mettre sa rengaine, Môssieur, et aller bite au vent direction la Vérité ! Et la Vérité, tu la trouveras pas à la fête à Neu-Neu en te bâfrant de roudoudous... elle est dans la souffrance, la Vérité ! Elle est chez les malades, chez les persécutés ! les pillés ! les soumis !... les salis ! les avilis ! les bannis ! les calomniés ! les miséreux ! les ruinés ! les liquidés ! les infectés ! les naufragés ! les reclus ! les proscrits ! les cramoisis ! les damnés ! les frelatés ! les emboucanés ! les avortés ! les tarés !... oui les tarés, les tarés comme moi et tarés de père en fils avec ça !... Un peu qu'elle est dans la souffrance, la Vérité !... et elle est dans la peur aussi... Oui, dans la bonne grosse peur qui traverse les yeux du gamin éduqué à coup de torgnoles... et dans le regard du chien de traîneau qui veut pas tomber dans la crevasse... Elle est partout où ça pue, la Vérité... fosses poisseuses.... pissotières chiasseuses... et elle est dans la MORT, la vérité ! Voilà ce que je pense au fond du fond :dans la mort elle est, la Vérité !
P192+193
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Les pensionnaires adoraient rivaliser pour gagner des points et des prix. Les bons Pères rangeaient les meilleurs pensionnaires dans le clan des A (ils étaient 20, classés de 1 à 20), et des B (ils étaient 23, classés de 21 à 43). Ceux qui avaient très peu de points ou pas de point du tout étaient dans le clan C (ils étaient toujours 2, classés de 44 à 45). Les A détestaient les B, qui le leur rendaient bien. Mais sitôt qu'un B gagnait des points (ce qui lui permettait de rejoindre les A), ce dernier détestait aussitôt les B plus encore que les A l'avaient détesté quand il n'était qu'un B.
Dans chaque clan, il y avait un chef et un sous-chef.
Les A et B étaient toujours d'accord sur une chose : ils se fichaient bien des C, dont j'avais été nommé sous-chef le jour de mes seize années de jours.
P154
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Au 25 ter de la rue, une plaque accrochée au grillage indiquait :
DR L.F DESTOUCHES
DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE L'ENFER
DE 14 H A 16 H SAUF VENDREDI.

Un chien énorme suivi d'une meute de chiens plus énormes encore vint grogner près de moi. Un homme maigre, vouté, apparut soudain, me fixant de son regard d'aigle survolant quelques vallées infernales.
– FOUS-MOI LE CAMP, BRIGAND ! MANDIGOT ! FRIPOUILLE ! beugla-t-il. C'est toi qu'a salopé ma belle plaque ?! J'ten foutrais de la médecine de l’enfer ! Tu veux quoi cette fois-ci, me flinguer, c'est ça ?! Parle, sinon les chiens vont te becter tout cru !
Comme je ne répondais pas, il changea soudain de ton en me dévisageant. « Oh, t'es en sale état, toi... Bon, ben entre, entre donc l'amigo. Reste donc pas planté dans le glagla »
Le Docteur Destouches avait les ongles et les rides du front bourrés de crasse couleur de goudron. Avec ses chaussures trouées et son foulard déchiré autour du cou, il était aussi distingué que le plus inoffensif des vagabonds. Dans son bureau où s'empilaient lunettes tordues, carnets poussiéreux, couteaux rouillés et blocs de feuilles tenus par des pinces à linge, un perroquet sifflait atrocement.
– Cou raide comme un passe-lacet, dit le docteur en m'examinant, bidon dur comme du marbre en tranche. Et que nous dit le thermomètre ? Il nous dit fièvre chevaline ! J'ferais bien un concours de fébrilité avec toi, l'amigo, mais ça me rappellerait trop la guerre et mes copains clamsés. Ca, j'en ai vu crever des copains, trompettes, dragons, cuirassiers, tous morts-pour-la-gloriolle-de-not'-glorieuse-patrie, la VROUNZE ! Je te parle pas de cette guerre, mais de la der des ders, la mère-boucherie sans laquelle la seconde n'aurait nullement été autorisée par les hautes huiles... Si tu te demandes de quoi t'es malade, l'amigo, j'en sais fichtre rien ! c'est la maladie qui le dira. Faut d'abord que les microbes se fassent connaître, sexe, âge, profession des parents, et on les nettoiera un à un ces salopiauds, à la mitrailleuse et à la grenade !... Et ces cachets, tu te les envoies toutes les quatre heures au fond du goulot, comprendo. Voici, à conserver dans tes poches, un stock de cinq plus huit cachets plus sept cachets qui nous font un total de dix-huit cachets offerts par la maison Destouches
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Tu cherches le bon Dieu ?... te fatigue pas, il est pas là, ton bon Dieu ! on t'a pas expliqué au cours complémentaire ? Il est pas au plafond, le bon Dieu, ni au-dessus, quoiqu'au-dessus y'a ma femme qui fait des entrechats et là, on n’est pas loin du divin... Et même s'il était dans le ciel, ton bon Dieu, faudrait encore qu'il écoute, cet empaffé ! Tu vas dire qu'y a la prière pour lui parler ?... foutaises ! ça grimpe pas, la prière ! ça grimpe pas parce que la prière c'est ordinaire, c'est vulgaire, c'est précautionneux et c'est bourré de lourdeurs... Non, le seul Dieu qui va écouter ton petit égoïsme, c'est le dieu à l'intérieur de toi, c'est l'Enthousiasme !... et j'y mets une majuscule à l'Enthousiasme si tu l'entends pas. La bonne méthode pour lui parler, à l'Enthousiasme, c'est d'écrire, de mettre de l'émotion sur la feuille de papier, et ça, c'est un boulot effroyable !... effroyable parce que la feuille de papier, elle laisse pas faire, elle renâcle à l'émotion... elle préfère le vers galant, le sentiment, le rebondissement, la paaâssion amoureuse !.... ça, on en a, du vers galant, on en a même des brouettes de fumier renversées en pleins champs les soirs de baloche du quatorze-juillet, c'te bamboche organisée par des vieux viceloques pour faire forniquer la jeunesse sous leur yeux !... Non, écrire, y'a que ça qui vaille dans cette existence, c'est la grande affaire, écrire ! C’est la seule façon de dire le désastre du monde, le désastre des hommes, la victoire de la méchanceté sur la légèreté !...
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